EADS-THALES : à quand la fusion ?
Décembre 2004
Pauline Santini
       De démenti en démenti, le projet de fusion entre Thalès et EADS a des allures de fantôme politico-industriel. On en parle partout mais tout le monde dément son imminence, voire sa réalité. En déplacement en Angleterre lors du 27e sommet franco-britannique, Jacques Chirac a bien évoqué le sujet avec le Premier ministre britannique Tony Blair, mais a immédiatement fait déclarer par un membre de la délégation française qu'il n'y avait pas de dossier de fusion en cours. Tout en précisant que le gouvernement français avait la volonté et l'objectif de consolider Thalès. Il n'y a donc rien de bien abouti pour l'instant. «Ça parle activement, c'est tout», se contente d'affirmer une source industrielle. Voilà pour la version officielle.
En coulisse toutefois, c'est une histoire totalement différente qui est en train de se jouer. La partie française d' EADS ne faisait pas mystère ces derniers temps de son intérêt pour Thalès. Elle permettrait à Thalès de sortir de son isolement et à EADS d'acquérir, dans le secteur de la défense, une taille comparable à celle de Boeing. Ainsi le nouvel ensemble ferait concurrence au géant américain dans les secteurs de l'aéronautique, de la défense et de l'électronique militaire. En matière de chiffre d'affaires, avec un volume d'activité cumulé de 43 milliards d'euros, il le dépasserait même (50 milliards de dollars, soit 38,5 milliards d'euros pour Boeing).
  L'Etat détient 31,3% des actions. Les deux autres groupes actionnaires de Thalès depuis la privatisation en 1997 de l'ex-Thomson CSF, détiennent respectivement 9,5% du capital pour Alcatel et 5,7% pour Dassault. Les deux groupes aimeraient sortir avec l'assurance d'avoir réalisé une opération industrielle qui ait du sens pour eux, Alcatel a reçu l'assurance de récupérer en contrepartie de son désengagement les actifs de Thalès communication et Dassault reprendrait Thalès Airborne Systems, activité systèmes aéroportés que le constructeur avait apporté à Thalès en 1997.
Même si les actionnaires français se montrent quelque peu réticents vis-à-vis de cette fusion, les craintes les plus importantes proviennent de l'étranger.
Tout d'abord de l'Allemagne : l'actionnaire allemand d'EADS, Daimler-Crysler, qui détient 30,3%, craint un déplacement du centre de gravité du groupe vers la France. Si EADS prenait une participation dans le nouveau champion naval allemand issu du rapprochement de ThyssenKrupp et de HDW, la situation pourrait évoluer. Les Britanniques ont les mêmes peurs à cause du rachat en 2000 de Racal par Thalès. Ce rachat a permis à Thalès de devenir le numéro 2 de la défense au Royaume Uni et ainsi de décrocher de nombreux contrats avec le ministère de la défense britannique.
Les nombreux désaccords français comme européens pourraient faire échouer le projet alors que la santé des deux groupes favorise ce rapprochement. EADS est au mieux de sa forme et Thalès se redresse. Les rumeurs autour d'une possibilité de fusion ont permis à Thalès de gagner 8% en une semaine et à EADS de rester stable.